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La maladie de Lyme, une vraie bombe à retardement

Hany Elsheikha, University of Nottingham

Capture.JPG la tiqueSur la liste des vilaines maladies transmises par les moustiques, les tiques et autres puces en Occident, la Borrelia burgdorferi a toute sa place en tête de classement. Cette bactérie provoque la maladie de Lyme, identifiée aux États-Unis à Lyme dans le Connecticut au début des années 1970. Le premier cas répertorié remonte toutefois bien plus loin, puisqu’Ötzi, l’homme des glaces de 5 300 ans – dont le corps momifié a été trouvé dans les Alpes en 1991 – en souffrait déjà.

Il s’agit d’une maladie à transmission vectorielle qui se développe rapidement dans les pays de l’Ouest ; la menace sanitaire qu’elle représente est devenue, ces dernières années, de plus en plus nette. Les estimations suggèrent ainsi que plus de 300 000 nouveaux cas sont à dénombrer chaque année aux États-Unis, et 65 000 pour l’Europe. Mais les vrais chiffres doivent être bien supérieurs ; de nombreux cas ne sont en effet pas déclarés et les tests diagnostiques disponibles aujourd’hui ont une efficacité encore limitée.

La bactérie Borrelia burgdorferi fait partie des spirochètes (dont la forme rappelle celle d’une petite hélice) qui comportent plus d’une vingtaine d’espèces ; cinq d’entre elles peuvent provoquer des maladies chez l’homme. La Borrelia peut se développer à l’intérieur d’une tique, en se déplaçant des intestins vers les glandes salivaires. C’est de cette manière qu’elle peut atteindre la peau des êtres humains, lorsqu’une tique suce le sang, propageant ainsi la bactérie. Pour survivre et infecter son hôte, la Borrelia mute de multiples façons afin d’échapper à la vigilance du système immunitaire.

Borrelia burgdorferi.
Centers for Disease Control and Prevention’s Public Health Image Library

Le vecteur principal de la transmission sur le continent européen est la tique du genre Ixodes ricinus (encore appelée tique du mouton), mais d’autres tiques sont vecteurs aux États-Unis et en Asie. Cependant, comme les tiques du genre Ixodes peuvent transmettre d’autres bactéries pathogènes et virus, il peut s’avérer délicat de diagnostiquer une maladie de Lyme parmi un large éventail d’infections possibles après la morsure d’une tique ; d’où le nombre de cas de Lyme non pris en charge.

Les tiques ne sont pas les seules menaces. Poux, puces et moustiques peuvent aussi abriter la bactérie. Plus inquiétant, la bactérie Borrelia peut aussi se transmettre d’une personne à l’autre via la salive, les transplantations d’organes, les transfusions sanguines, les rapports sexuels ou le lait maternel. Il a aussi été avancé que la maladie pouvait se transmettre au fœtus via le placenta, mais ceci reste à prouver.

Ce que fait la maladie

Certaines personnes présentent un érythème migrant à l’endroit de la piqûre de la tique, de 3 à 30 jours après l’infection. À mesure que celle-ci gagne du terrain, d’autres zones cutanées peuvent être touchées, de même que le système nerveux, les articulations ou le cœur. L’infection cérébrale représente une complication rare, mais potentiellement dangereuse, constatée chez 15 % des cas de Lyme non traités. Ceci peut également provoquer des lésions neurologiques irréversibles.

À cause de ces nombreux symptômes non spécifiques, les patients ne bénéficient pas d’un diagnostic clair ni de choix de traitement. Quand on suspecte une maladie de Lyme, des tests en laboratoire permettant de détecter la présence de certains anticorps à la bactérie Borrelia burgdorferi peuvent permettre d’établir un diagnostic précis – même si ces derniers sont loin d’être parfaits. Certains patients, de 10 à 20 %, peuvent développer des affections chroniques invalidantes regroupées sous le terme de syndrome du traitement de la maladie de Lyme, incluant arthrite, épuisement, douleurs musculaires et désordres cognitifs tels des maux de tête et des troubles du sommeil.

Après la piqûre.
Hannah Garrison/Wikimédia, CC BY-SA

Il n’existe malheureusement aucun vaccin disponible contre cette maladie. Mais certaines mesures peuvent permettre de réduire les risques : éviter les zones infestées, porter des vêtements adaptés, avoir recours aux traitements antimicrobiens après avoir été piqué.

Un prise en charge précoce est cruciale pour prévenir les pathologies et éviter les symptômes persistants. Les premiers stades de la maladie peuvent être efficacement traités grâce aux antibiotiques, mais pour les patients souffrant de manière chronique, ce sont des traitements sur des mois, voire des années, qui sont nécessaires. C’est une malchance que certains médecins considèrent les antibiotiques comme la seule solution, tant les patients souffrant de manière chronique nécessitent une approche diversifiée permettant de s’attaquer en même temps à toutes les infections, de renforcer le système immunitaire et gérer les complications.

Éliminer la menace

Les multiples effets de la maladie et leur dimension invalidante sont lourds de conséquences en matière de santé publique. Lorsqu’un patient est diagnostiqué, il bascule dans une existence frappée par l’incertitude, en grande partie à cause du manque d’informations adéquates et fiables.

Il est aujourd’hui évident – étant donné la progression du nombre de cas dans le monde, ainsi que le nombre de personnes qui continuent de souffrir après un traitement antimicrobien – que cette maladie se répand rapidement. Aux États-Unis, par exemple, le nombre de cas annuels reportés est 25 fois plus important aujourd’hui qu’en 1982, année où l’on a commencé à surveiller la maladie.

Bien des aspects de son fonctionnement – sa chronicité tout particulièrement – sont continuellement débattus, ceci du fait de l’absence de données suffisamment robustes sur le sujet. Et il n’existe toujours pas de définition unanime pour dire ce qu’est la maladie de Lyme chronique. Des mesures seront nécessaires pour dissiper l’incertitude qui entoure l’infection. Il est indispensable de développer des tests diagnostiques fiables, d’identifier les groupes de patients les plus susceptibles de bénéficier d’un traitement antibiotique… Autant de priorités pour faire en sorte que cette maladie ne se transforme pas en pandémie.

The Conversation

Hany Elsheikha, Associate Professor of Parasitology, University of Nottingham

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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