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D’où viennent nos chiens ?

Laura Shannon, Cornell University

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Tribu de chiens de Braque de_Weimar à poils longs. (photo commons.wikimedia.org)

L’histoire de l’origine du chien se raconte globalement de la façon suivante : entre 30 000 et 16 000 ans de cela, des loups se sont retrouvés sous pression, affamés, leur territoire de chasse ayant été accaparé par les humains. Fort heureusement, ces loups pleins de ressources avaient repéré que les hommes avaient tendance à laisser traîner de bonnes choses à manger dans les alentours. Récupérer les restes leur a semblé plus facile que sortir pour chasser, c’est ainsi qu’ils ont frayé avec la population humaine.

Les loups sont des voisins plutôt énervants. Cependant, certains d’entre eux moins que les autres. Les hommes étaient plus enclins à tolérer la proximité de loups moins agressifs et plus tournés vers eux. De plus, les autres prédateurs sont moins susceptibles de vous attaquer quand vous êtes environné de loups. Ainsi, les humains et les loups les plus sociables ont passé une sorte d’accord : tolérance et nourriture pour les loups les plus dociles et utiles.

Les loups dociles et intelligents ont eu des louveteaux encore plus dociles et intelligents et, au fil du temps, c’était de plus en plus agréable de les côtoyer. Évidemment, des loups amicaux et utiles gambadant au milieu des gens et mangeant les restes ne sont pas vraiment des loups. Nous avons un mot pour les qualifier : ce sont des chiens.

Voici l’hypothèse la plus probable émise par les biologistes sur le « comment » de l’apparition des chiens. Nous avons une idée sur « quand » c’est arrivé, mais il a été plus difficile de savoir « ou ». Qui a été le premier à faire de loups gris maraudeurs de véritables chiens ?

Les chiens espèrent bien une bonne chaleur et de la nourriture autour du feu de camp.
Shutterstock

À la recherche de l’origine géographique

Pour en savoir plus, les scientifiques se sont intéressés à l’ADN mitochondrial, hérité exclusivement du côté maternel, et au chromosome Y, représentatif de l’ADN paternel. Ils ont en tiré la suggestion suivante : les chiens ont été domestiqués pour la première fois en Chine, au sud du fleuve Yangtzé.

Cependant, les ossements de chiens les plus anciens que l’on ait pu trouver ont été exhumés à l’autre bout de l’Eurasie, en Europe du Nord. De plus, l’ADN mitochondrial des chiens modernes est similaire à celui des anciens loups européens.

Enfin, les loups du Moyen-Orient partagent un grand nombre de séquences génétiques avec les chiens d’aujourd’hui, ce qui suggère que ces loups moyens-orientaux seraient les loups ancestraux.

Tous ces éléments de preuve indiquent que les chiens viennent de quelque part en Eurasie. Mais mes collègues et moi-même avons souhaité restreindre un peu le champ. Et pour ce faire, nous avons pensé que, pour notre nouvelle étude, il nous faudrait nous procurer l’ADN d’un plus grand nombre de chiens possible.

Les membres de l’équipe prélèvent l’ADN d’un chien dans un village d’une île du Pacifique.
Adam Boyko, CC BY-ND

Les chiens sont partout

On trouve des chiens pratiquement partout où il y a des hommes. Avec le temps, nous les avons élevés pour faire absolument tout, gardiens de troupeaux ou chiens pêcheurs. Les races que nous avons créées sont d’une grande variété de tailles et d’aspects, du petit Chihuahua au géant Danois. La grande majorité de ces races canines ne sont pas plus anciennes que 200 ans, et viennent d’Europe. Mais ces chiens de race, ou même les animaux hybridés avec eux sont une minorité sur la planète.

La plupart des chiens sont des animaux que l’on trouve vagabondant dans les villages, qui vivent autour et au milieu des gens, mais qui ne ressemblent pas forcément à ce que vous pourriez considérer comme un animal domestique. On peut apprendre beaucoup des anciens chiens en étudiant ces animaux villageois, par rapport aux chiens de race, parce qu’ils ont plus de diversité génétique. Ainsi, le nombre de variants d’un seul gène d’un chien villageois est plus important que celui d’un animal de race.

Tous les chiens ont pour ancêtre un certain groupe de loups, et ainsi bénéficient d’une partie de la diversité génétique des loups. Comme les chiens de race ont été formés à partir d’un groupe restreint de chiens, ils ne portent qu’une petite partie de la diversité génétique canine.

Ces plaines sont-elle le creuset de l’espèce canine ?
Coss and Johanna, CC BY-NC

Sur la piste des séquences d’ADN

Les scientifiques de notre laboratoire ont voyagé dans une grande variété de destinations pour collecter des échantillons sanguins ou de salive de chiens. Dans d’autres endroits où nous n’avons pas pu nous rendre, des collaborateurs nous ont envoyé des prélèvements. Ce n’était pas trop difficile : les chiens de village sont plutôt faciles à approcher par des chercheurs apportant quelque nourriture.

Au total, nous avons extrait l’ADN d’échantillons provenant de 549 chiens de 38 pays représentatifs de la planète toute entière, ainsi que l’ADN de 4676 chiens de race. Notre labo à l’université Cornell est situé dans le même bâtiment qu’un centre vétérinaire, ce qui s’est avéré pratique puisque la plupart de nos chiens de race étaient venus s’y faire soigner.

Une fois récoltés nos échantillons, nous avons pu déterminer le génotype de chaque chien sur environ 180 000 points de son génome. Cela a été le plus important recueil de données jamais utilisé pour examiner la question des origines du chien.

Nous cherchions un modèle très spécifique de diversité génétique forgé par l’histoire. Quand un groupe donné de loups est devenu un groupe de chiens, la diversité génétique de ces derniers n’était que celle du groupe des loups. Quand certains de ces chiens ont voyagé avec des humains dans d’autres régions, ou qu’ils ont été vendus à d’autres habitants dans d’autres régions, ils ont transporté avec eux seulement une partie de la diversité génétique du groupe de chiens d’origine, et, par extension, une partie seulement de la diversité totale.

Ainsi, nous nous attendions à ce que la population de chiens originelle soit la plus diverse, génétiquement parlant. On devrait pouvoir repérer un gradient de diversité qui diminue pour les populations de chiens au fur et à mesure qu’elles s’éloignent de l’origine.

Et c’est ce que nous avons observé quand nous avons comparé les génomes de chiens de différentes populations. Les chiens d’Asie centrale, de Mongolie et du Népal sont les plus divers, avec des génomes correspondant aux variations les plus anciennes juste après le début de la domestication. Quand nous regardons les mêmes marqueurs ADN chez les chiens des régions voisines, la diversité est en recul. Et elle décroît encore au fur et à mesure que l’on s’éloigne d’Asie centrale. C’est à quoi l’on pouvait s’attendre si les premiers humains qui ont transformé une population de loups gris maraudeurs en chiens étaient originaires d’Asie centrale.

Même les chiens des îles du Pacifique ont des ancêtres en Asie Centrale.
Adam Boyko, CC BY-ND

A regarder la grande masse de données sur les chiens qui a été recueillie, nous pouvons détecter un signal très clair qui indique que la plupart des chiens qui vivent aujourd’hui sur la planète descendent de chiens d’Asie centrale. Cependant, notre étude ne porte que sur les chiens actuels. Nous n’avons pas d’informations sur les animaux du passé qui n’ont pas laissé de descendants. De plus, les modèles de diversité que nous avons observé reflètent les origines des chiens mais aussi tout ce qui est arrivé à leurs populations depuis leur domestication.

D’autres scientifiques ont extrait l’ADN des ossements d’anciens chiens et ces prélèvements devraient produire d’intéressants éléments concernant des périodes de temps encore plus proches de la domestication. Cependant, les études de l’ADN ancien sont limitées par le nombre d’ossements disponibles, matériau qui varie pour bien d’autres raisons que la distribution historique des populations de chiens. Par exemple, certains environnements sont plus propices que d’autres à la conservation des os er de l’ADN. De même, certaines régions ont été sérieusement fouillées par les archéologues, et d’autres non.

En conclusion, si nous sommes capables de repérer des traits communs chez les anciens chiens et les modernes, nous clarifierons l’histoire du chien et de son meilleur ami, l’humain.

The Conversation

Laura Shannon, Postdoctoral Research Associate in Biological Sciences, Cornell University

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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