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Quand les ultrasons soignent

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Un essai est lancé dans 12 hôpitaux, en France, pour traiter par ultrasons des fibroadénomes (grosseurs bénignes) du sein.
Shutterstock

Jean-Michel Escoffre, Université François-Rabelais de Tours

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


On sait l’importance des ultrasons pour notre santé car ils permettent l’échographie fœtale, chez les femmes enceintes, ou encore l’échographie du cœur, plus connue sous le nom de « doppler ». Et en effet, ils sont principalement utilisés, en médecine, pour le suivi de la grossesse et le diagnostic de maladies cardiovasculaires.

On sait moins que ces ondes sonores, dont la fréquence est trop élevée pour qu’elles soient perçues par l’oreille humaine, peuvent aussi soigner. Les ultrasons dits thérapeutiques, ou échothérapie, deviennent pourtant un nouvel outil entre les mains des médecins, en remplacement de la chirurgie. Ils sont déjà utilisés pour détruire des tumeurs de la prostate. Des essais sont en cours dans d’autres cancers, mais aussi dans des maladies neurologiques comme le tremblement essentiel.

Les ultrasons permettent de réaliser des examens comme l’échographie du fœtus, chez les femmes enceintes.
SupportPDX/Flickr, CC BY

À travers le monde, les chercheurs combinent également les ultrasons avec des chimiothérapies, en cas de cancer, pour augmenter leur efficacité. Ils apprennent aussi à les diriger, à travers le crâne, vers certaines zones du cerveau utiles à stimuler pour soigner la dépression. Des applications encore au stade de l’expérimentation, mais assurément prometteuses.

La destruction d’une tumeur par brûlure

Lorsqu’on envoie des ultrasons très concentrés sur un tissu pathologique, par exemple une tumeur, ceux-ci induisent la destruction thermique – c’est-à-dire par brûlure – de ce tissu. Cette technique, appelée « ultrasons focalisés de hautes intensités », est utilisée depuis une vingtaine d’années dans plusieurs centres hospitaliers en France pour traiter le cancer de la prostate.

Chez ces patients, une sonde ultrasonore introduite par voie endorectale permet de réaliser l’échographie et de traiter la tumeur en même temps. Le médecin, guidant la sonde grâce à l’écran, peut détruire la tumeur avec une précision accrue. Et cela, sans intervention chirurgicale.

Les principaux bénéfices de la technique pour le malade sont une diminution significative des douleurs et des fuites urinaires, conséquences possibles en cas d’opération. D’autres types de cancers comme les fibromes de l’utérus, les nodules de la thyroïde ou les hépatocarcinomes (tumeurs du foie), pourraient bénéficier dans le futur de ce nouvel arsenal thérapeutique.

Dans les fibroadénomes, des grosseurs bénignes du sein, la Haute Autorité de Santé (HAS) a donné son autorisation, fin 2016, pour que 12 centres hospitaliers mènent un essai clinique, avec la société Theraclion, sur le traitement par ultrasons.

Des résultats prometteurs dans le tremblement essentiel

Le potentiel de l’échothérapie ne se limite pas aux cancers. En effet, des équipes évaluent le bénéfice de cette technique dans des maladies neurologiques. Ainsi, une étude américaine récente montre des résultats prometteurs chez des patients souffrant de tremblement essentiel.

Cette maladie se traduit par des tremblements incontrôlables des membres supérieurs d’abord, puis du cou et de la tête et parfois même du corps entier, empêchant ainsi le patient de se nourrir, de s’habiller… bref de vivre normalement. La région du cerveau en cause dans cette pathologie a la taille d’un grain de riz et se situe dans le thalamus, à la base du cerveau.

Guidé par imagerie IRM, le médecin détruit cette région cérébrale grâce aux ultrasons focalisés de hautes intensités, sans ouvrir le crâne. À sa sortie du bloc opératoire, le patient ne manifeste presque plus de tremblements. La communauté médicale attend toutefois de savoir si le bénéfice thérapeutique observé à court terme perdure sur le long terme. Aujourd’hui, des études évaluent également cette technique dans le tremblement lié à la maladie de parkinson, la douleur neuropathique (semblable à une brûlure ou à une décharge électrique), et la dyskinésie, ces mouvements anormaux involontaires.

Améliorer l’efficacité des chimiothérapies

Autre voie de recherche encore peu connue, la « sonoporation ». Des échographies de contraste sont couramment réalisées dans le suivi des cancers ou des maladies cardiovasculaires. Les agents de contraste utilisés sont constitués de microbulles de gaz et injectés par voie intraveineuse chez les patients. Ces dernières années, de nouvelles méthodes pour la délivrance locale de médicaments basées sur l’utilisation de ces microbulles ont été proposées.

Le principe consiste, grâce à l’envoi d’ultrasons, à activer les microbulles dans les vaisseaux alimentant le tissu pathologique, par exemple une tumeur. Cette opération augmente transitoirement la perméabilité (la porosité) des vaisseaux et permet ainsi aux molécules thérapeutiques de traverser leur paroi pour s’accumuler dans la tumeur. Ainsi, la sonoporation améliore l’efficacité des médicaments contre les cellules cancéreuses, tout en limitant les atteintes des tissus sains.

Au sein de l’Université de Tours, l’équipe Inserm du Dr Ayache Bouakaz et l’équipe du Pr Frédéric Patat, au CHRU de Tours, mènent conjointement une étude clinique utilisant la sonoporation. Celle-ci vise à augmenter l’efficacité de la chimiothérapie dans le traitement de métastases au foie du cancer colorectal, lorsque ceux-ci sont inopérables.

Une étude clinique dans le cancer du cerveau

À l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, le Pr Alexandre Carpentier et la société CarThera ont récemment évalué le potentiel de la sonoporation chez des patients en situation de récidive d’une tumeur cérébrale maligne, le glioblastome. Cette étude montre que la technique augmente la perméabilité des vaisseaux cérébraux, facilitant la pénétration de la molécule anticancéreuse dans la tumeur, 5 fois plus importante qu’à l’ordinaire. Cette méthode offre non seulement un espoir dans les cancers du cerveau, mais aussi dans d’autres pathologies touchant cet organe comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

Il est un tout autre domaine dans lequel les ultrasons montrent des résultats préliminaires encourageants : la stimulation de certaines zones du cerveau, pour lutter contre des maladies psychiatriques comme la dépression.

La neurostimulation, discipline encore toute jeune, a utilisé jusqu’ici des champs électriques, avec la stimulation cérébrale profonde et la stimulation transcrânienne à courant direct, ou des champs magnétiques, avec la stimulation magnétique transcrânienne. Mais la stimulation cérébrale profonde reste une méthode invasive qui nécessite l’implantation d’électrodes dans le cerveau, limitant ainsi son potentiel. La stimulation magnétique transcrânienne, quant à elle, ne permet de stimuler que des zones superficielles du cerveau, et non les zones profondes.

L’équipe du Dr Ayache Bouakaz et l’équipe Inserm du Pr Catherine Belzung, toujours à l’université de Tours, conduisent une étude visant à traiter la dépression grâce à des stimulations ultrasonores. En effet, les ultrasons permettent de traiter des régions superficielles mais aussi profondes du cerveau, et ce, sans intervention chirurgicale. Les premiers résultats (non publiés) d’essais menées chez la souris semblent positifs.

Un nombre croissant d’équipes de recherche dans le monde réfléchit à exploiter cette nouvelle technique de neurostimulation pour le traitement de troubles neuropsychiatriques. En effet, l’étude récente d’un chercheur américain, le Pr William J. Tyler, a mis en évidence que cette méthode permet de moduler l’activité électrique du cerveau chez l’homme.

The ConversationLes chercheurs espèrent que le recours aux ultrasons thérapeutiques puisse s’étendre, dans le futur, au cancer du pancréas, à la néphropathie diabétique et à des maladies neurodégénératives comme Parkinson, Alzheimer ou Charcot. Autant de pathologies où les thérapies proposées à ce jour sont soit impuissantes, soit absentes.

Jean-Michel Escoffre, Chargé de recherche en biophysique, Université François-Rabelais de Tours

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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