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Le mystère de l’or cosmique révélé au cœur des étoiles

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Etoiles.
Prawny/Pixabay

Jérôme Margueron, University of Washington

D’où provient l’or, ce métal précieux tant convoité ? Comment a-t-il été produit, non sur Terre, mais dans l’Univers ? En août dernier, une unique observation astrophysique nous a enfin donné la clef pour répondre à ces questions. Les résultats de cette recherche ont été publiés le 16 octobre dernier.

L’or préexiste à la formation de la Terre : c’est ce qui le différencie, par exemple, du diamant. Cette pierre précieuse est en effet le résultat de la transformation du charbon par modification de la structure atomique, via les forces de pression qui agissent dans l’écorce terrestre. Rien de tel avec l’or puisque ces forces sont incapables de modifier la composition du noyau de l’atome. Tant pis pour les alchimistes qui rêvaient de la transmutation du plomb en or !

Il n’empêche qu’il y a de l’or sur Terre, à la fois dans le noyau central où il a migré avec les éléments chimiques les plus lourds, et dans l’écorce terrestre où se trouvent les mines de ce métal précieux. Mais il vient d’ailleurs : du cosmos, on l’aura compris. La pluie gigantesque de météorites qui a bombardé la Terre (et la Lune) il y a 3,8 milliards d’années a apporté l’or avec elle.

Formation des éléments lourds

Par quel processus a-t-il été créé ? L’ensemble des éléments plus lourds que le fer, dont l’or, sont produits pour moitié par ce que l’on appelle le processus s dans les phases d’évolution ultimes des étoiles. C’est un processus lent (s veut dire slow) qui opère dans le cœur des étoiles dites AGB, des étoiles de faible masse et de masse intermédiaire (inférieures à 10 masses solaires) et qui peuvent produire des éléments chimiques jusqu’au polonium. L’autre moitié des éléments est produite par le processus r (r pour rapide). Mais le site où ce processus de nucléosynthèse se déroule est longtemps resté un mystère.

Revenons au 17 août dernier, à la découverte qui nous a apporté un éclairage nouveau sur cette question. Depuis une cinquantaine d’années, l’hypothèse dominante parmi la communauté scientifique était que le processus r avait lieu lors de l’explosion finale des étoiles massives (les spécialistes parlent de supernova d’effondrement gravitationnel). En effet, la formation des éléments légers jusqu’au fer implique des réactions nucléaires libérant de l’énergie. Ce sont d’ailleurs ces réactions qui assurent la stabilité des étoiles. Au-delà du fer, il faut apporter de l’énergie pour produire des éléments plus lourds. Les chercheurs supposaient que cette énergie pouvait provenir de l’explosion des étoiles massives. Malgré la simplicité de cette explication, la modélisation numérique des supernovae s’est avérée extrêmement compliquée. Après 50 années d’efforts, les chercheurs commençaient à peine à en comprendre le mécanisme. De plus, leurs simulations n’expliquaient pas où se trouvait l’endroit où les conditions physiques du processus r pouvaient exister.

Ces conditions sont pourtant assez simples : il faut beaucoup de neutrons et un milieu chaud.

Fusion d’étoiles à neutrons

Depuis une dizaine d’années, quelques chercheurs ont commencé à étudier d’autres hypothèses. Ils ont focalisé leur attention sur les étoiles à neutrons. Celles-ci constituent un réservoir de neutrons gigantesque, qui est libéré occasionnellement. La plus forte de ces libérations se produit lors de la coalescence, dans un système binaire, d’étoiles à neutrons, aussi appelé kilonova. Il existe plusieurs signatures de ce phénomène qu’il a été possible d’observer : une émission d’ondes gravitationnelles culminant une fraction de seconde avant la fusion finale et un sursaut de lumière très énergétique (rayons gamma) émis par un jet de matière approchant la vitesse de la lumière. Si ces sursauts gamma sont observés régulièrement depuis quelques décennies, ce n’est que depuis 2015 que les ondes gravitationnelles sont détectables sur Terre grâce aux interféromètres Virgo et LIGO.

Cette animation de la NASA est une vue d’artiste d’une kilonova (coalescence des deux étoiles à neutrons) comme celle observée le 17 août (GW170817). C’est une version accélérée des neuf premiers jours d’une kilonova. Dans la phase d’approche des deux étoiles, les ondes gravitationnelles émises sont colorée en bleu pale, puis après la fusion un jet proche de la vitesse de la lumière est émis (en orange) générant lui-même un sursaut gamma (en magenta). La matière éjectée de la kilonova produit une lumière initialement ultraviolette (violet), puis blanche dans l’optique, et enfin infra-rouge (rouge). Le jet continue son expansion en émettant de la lumière dans la gamme des rayons X (bleu).

Le 17 août dernier restera une date majeure pour la communauté scientifique. En effet, elle marque la première détection quasi-simultanée de l’arrivée d’ondes gravitationnelles – dont la provenance est assez bien identifiée – et d’un sursaut gamma, lui aussi dont l’origine est assez bien localisée et coïncide avec la première. L’émission du sursaut gamma est focalisée dans un cône étroit, et la chance des astronomes pour cette première détection d’ondes gravitationnelles associée à une kilonova, est que le sursaut gamma a été émis dans la direction de la Terre !

Dans les jours qui ont suivi, les télescopes ont analysé la lumière provenant de cette kilonova et y ont trouvé la confirmation de la production d’éléments plus lourds que le fer. Ils ont aussi pu estimer la fréquence de ce phénomène et la quantité de matière éjectée. Ces estimations sont compatibles avec l’abondance moyenne des éléments observés dans notre galaxie.

En une seule observation, l’hypothèse qui dominait jusqu’à présent – d’un processus r ayant lieu exclusivement lors des supernovae – a été remise en cause et il est maintenant certain que le processus r a aussi lieu dans les kilonovae. La contribution respective des supernovae et des kilonovae dans la nucléosynthèse des éléments lourds reste à préciser, ce qui sera fait avec l’accumulation de statistiques liées aux prochaines observations. La seule observation a déjà permis une très grande avancée scientifique pour la compréhension globale de l’origine des éléments lourds, dont l’or.

Une nouvelle fenêtre sur l’Univers

The ConversationAinsi, c’est une nouvelle fenêtre vers l’univers qui a été ouverte, à l’instar du jour où Galilée a pointé le premier télescope vers le ciel. Avec les interféromètres Virgo et LIGO qui permettent maintenant « d’entendre » les phénomènes les plus violents de l’univers, des perspectives immenses s’ouvrent à l’investigation des astronomes, ainsi que des astrophysiciens, des physiciens des particules, des physiciens nucléaires, etc. La France a joué un très grand rôle dans cette prouesse technologique par son implication dans le projet Franco-Italien Virgo. Grâce au laboratoire LMA de Lyon, notre pays possède d’ailleurs la maîtrise mondiale de la production d’une des pièces majeures de ces interféromètres : les miroirs réfléchissant les lasers.

Jérôme Margueron, Chercheur en astrophysique nucléaire, University of Washington

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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