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La résistible agonie du Parti socialiste

Michel Wieviorka, Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH) – USPC

Cortège socialiste
Cortège socialiste (photo Audrey AK Flickr)

La liquidation du Parti socialiste est-elle presque achevée ? Beaucoup se pressent, en tous cas, pour y concourir, comme si le plus urgent était pour tous ceux-là de saboter la candidature de Benoît Hamon. The Conversation

À l’extérieur, deux acteurs opposés prennent en étau le malheureux parti. D’une part, Jean-Luc Mélenchon est l’incarnation radicalisée de ce qui subsiste du communisme et du socialisme, tendance dure, et n’a de cesse de pilonner le PS. D’autre part, Emmanuel Macron considère désormais, après un stage à l’Élysée puis à Bercy pour le compte de la gauche de gouvernement, qu’il n’y a plus de gauche et de droite, et donc que l’on peut fort bien se passer de partis politiques de gauche. Lui ne pilonne pas : il siphonne, attirant vers lui nombre de « socialistes ».

La responsabilité de François Hollande

En interne, la décomposition du PS prend l’allure de la faute morale – certains parlent de « trahison ». Une partie de ceux qui ont incarné la gauche de gouvernement – ministres, sénateurs, députés, maires de grandes villes – prennent le large vers En Marche, oublieux pour beaucoup qu’ils appartiennent à un parti qui a des règles, des statuts, et qui a organisé une primaire pour choisir son candidat – leur candidat. Peut-être, parmi eux, existe-t-il aussi des responsables qui voudraient torpiller la candidature du vainqueur de la primaire socialiste, Benoît Hamon, pour le discréditer et prendre ensuite le contrôle de ce qui restera du PS.

Tout ceci vient de loin. François Hollande, quand il était à la tête de son parti n’a rien fait pour en redorer le blason. Il l’avait laissé en piteux état à Martine Aubry, qui lui a succédé et l’a remis en marche. Mais à peine élu Président, en 2012, il a mis à sa tête Harlem Désir, puis laissé élire Jean-Christophe Cambadélis, qui ont géré le déclin politique, qui est aussi intellectuel et moral : perte de la majorité au Sénat, perte de la plupart des régions, des grandes villes, de nombreux départements, décomposition à la Chambre des députés avec les « frondeurs »… François Hollande en cinq ans a fait le vide, ou en tous cas ne l’a pas empêché, pas plus qu’il n’empêche certains de ses ministres de rejoindre En Marche. Le message qu’il adresse implicitement aux électeurs est clair : vous avez aimé François Hollande, vous adorerez Emmanuel Macron.

Il est possible effectivement que celui-ci soit élu président dans un mois

En Marche, un véritable fourre-tout

Avec qui gouvernera-t-il alors ? Il faut ici raisonner en envisageant les résultats des élections législatives. Le FN se prépare à conquérir de nombreux postes de députés ; la droite, une fois l’épisode Fillon digéré, vraisemblablement au soir du premier tour, espère se refaire une santé, tandis que le PS et ses alliés, minés par les défections, et déconsidérés dans l’opinion risquent de ne plus pouvoir compter que sur un maigre effectif. Et personne ne peut dire qui aura alors la direction de ce parti : Benoît Hamon ? Manuel Valls ?

De son côté, Emmanuel Macron multiplie les ralliements – ce qui veut dire qu’il y aura beaucoup de déçus au moment des investitures ou pour les postes de ministres au gouvernement. En Marche, fourre-tout où se pressent déjà aujourd’hui tout et son contraire, sans parler de ceux qui frappent à la porte sans qu’elle leur soit ne serait-ce qu’entrebâillée, ne pourra apparaître que comme une force hétérogène, vraisemblablement ouverte à bien des vents, et susceptible sans grande cohérence de tenter de passer des accords une fois à gauche, une fois à droite.

À partir de là, plusieurs scénarios sont à envisager. Par exemple, il n’est pas exclu que le nouveau Président soit contraint de cohabiter avec une droite ragaillardie, quitte pour celle-ci à passer des accords avec le FN – si celui-ci ne préfère pas l’hypothèse, beaucoup plus vraisemblable, du chaos législatif. Ou bien encore, il est possible qu’il parvienne à constituer une majorité, qui sera alors faite de bric et de broc, et donc très faible. Dans les deux cas, la véritable gouvernance ne pourra se faire qu’à l’Élysée, avec une garde rapprochée dont on peut imaginer qu’elle sera plus technocratique et gestionnaire que sensible aux attentes populaires.

Déstructuration de la gauche

Et le PS ? Ce parti a très mauvaise presse dans l’opinion, d’une part parce que tous les partis, en général sont rejetés, d’autre part parce qu’il incarne l’échec et la déstructuration de la gauche, et aussi parce qu’il n’a rien fait de tangible pour empêcher les défections, ni pour les sanctionner. Il est peu vraisemblable que Jean-Christophe Cambadélis ait le courage de rapidement exclure ceux qui disent rejoindre, ou soutenir Emmanuel Macron – ce qui aurait le mérite de clarifier la situation, ne serait-ce que dans la perspective des investitures pour les élections législatives.

Il n’est pas plus crédible que de l’intérieur du PS naisse une initiative forte, une scission par exemple, de la part de ceux qui ne veulent plus du fonctionnement actuel – ceux qui pourraient être tentés par cette hypothèse d’une refondation ont peur de la marginalisation et ne veulent pas se retrouver dans un nouveau PSU.

Il est possible qu’à terme la spirale du déclin du PS soit enrayée, ne serait-ce que grâce à une bonne cure d’opposition, et qu’une véritable recomposition politique ne voit pas le jour, ce qui serait pourtant un scénario beaucoup plus enthousiasmant. Toujours est-il que s’il survit, le parti du Président actuel, agent actif de sa décomposition, aura beaucoup à faire pour retrouver la confiance d’un électorat qui a pris ses distances.

Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH) – USPC

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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