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Macron, l’emmerdeur

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Emmanuel Macron (CC-BY-SA-3.0-FR)

Depuis sa démission du gouvernement, en août dernier, Emmanuel Macron agace toute la classe politique. Pourquoi ? Parce ce jeune loup aux dents acérées pourrait croquer une bonne part du gâteau électoral aux prochaines élections présidentielles. Et bousculer la donne, à droite comme à gauche.

Macron dérange parce qu’il sort des sentiers battus. Il laisse les anciennes recettes aux politiciens ringards. Tous ont, dans le passé, peu ou prou trempé les doigts dans les pots de confiture, tous ont trahi leurs électeurs, tous se sont servis au lieu de servir. Les partis traditionnels, usés jusqu’à la corde, n’inspirent plus confiance aux jeunes générations.
Le monde a changé et ils ne l’on pas vu. Les Juppé, Sarkozy, Hollande, Valls et les autres vieux routards de la politique s’enferrent dans les vieux schémas du 20ème siècle quand le 21ème siècle qui vient d’éclore aspire à un changement d’air radical dans une société mondialisée et hyper connectée où l’information circule à la vitesse de la lumière sur les réseaux sociaux.
Emmanuel Macron bouscule le système, rejette les règles éculées, renvoie dos à dos la droite et la gauche, égratigne tout le monde. Un emmerdeur.
La sacro-sainte laïcité dont Manuel Valls a fait un dogme ? « La laïcité d’Aristide Briand ce n’est pas le laïcisme : c’est une exigence mais pas un principe de fermeture et d’interdiction. »
Juppé, Sarkozy ? Dans le même sac. « Peut-on imaginer sérieusement commander aux destinées du pays ou simplement se présenter au suffrage des Français alors que sa probité personnelle a été mise en cause ? Je ne le pense pas. Il est certaines fautes qui vous disqualifient radicalement » dit-il à Strasbourg, lors de son premier meeting public devant un millier de supporters, en évoquant (sans le nommer) Alain Juppé. Quant à Sarkozy : « Peut-on imaginer sérieusement se présenter au suffrage du pays alors qu’on a délibérément dépassé le plafond des dépenses autorisées pour sa campagne ? »

La troisième voie

Difficile de ne pas acquiescer ! Mais en quoi se distingue-t-il de cette classe politique en état de décomposition avancée ? Ce jeune homme de bonne famille, énarque, haut fonctionnaire, banquier d’affaires originaire d’Amiens, a épousé sa prof de français. Il milite au Mouvement des Citoyens et vote en 2002 pour Jean-Pierre Chevènement. Il rencontre François Hollande en 2006 et s’engage à ses côtés. En 2007, il fait partie d’un groupe de réflexion et/ou de pression appelé Les Gracques, composé d’anciens patrons et de hauts fonctionnaires qui prônent une rénovation de la gauche française autour de valeurs sociales-libérales. Une sorte de « troisième voie » entre la gauche et la droite. En 2011 il soutient Hollande à la primaire. En mai 2012, il devient secrétaire général-adjoint de l’Elysée. Le 26 août 2014 il est nommé ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique en remplacement d’Arnaud Montebourg.
On retiendra surtout la loi qui porte son nom « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » dont l’objectif est de « déverrouiller » l’économie française. Les mesures phares portent sur le travail le dimanche, les professions règlementées, l’ouverture du marché aux autobus… Il faut cependant à Manuel Valls l’utilisation du fameux article 49-3 pour faire adopter la loi. Si la gauche rechigne, la droite applaudit.
Le 30 août 2016, Emmanuel Macron démissionne du gouvernement pour faire cavalier seul. Il crée son mouvement « En Marche ! » Vers où ? Naïfs seraient ceux qui n’ont pas compris. Sa « marche » se fait en direction de l’Elysée. Avec la patience et le souffle des randonneurs de fond. L’histoire du lièvre et de la tortue, en somme.
Mais sur quel programme ?

Ausculter avant de prescrire

Macron a de la méthode. Avant de parler programme, il souhaite poser un diagnostic aussi précis que possible sur la France de 2016. Quelque 700 « marcheurs » sont allés au-devant des Français depuis le mois d’août pour ausculter plusieurs milliers de personnes. « Quand on va chez le médecin, explique Macron, il commence par nous écouter et fait son analyse avant de prescrire un médicament. »
Après avoir écouté, est venue l’heure de « la restitution, du partage », mardi 4 octobre, à Strasbourg.
Résultat ? La France est malade. « Il faut remonter aux causes profondes des symptômes, aux racines du mal ». Ce mal, c’est « le manque d’adhésion » à une « démocratie d’irresponsabilité ». Car, dit-il « nos concitoyens adorent la politique, souhaitent s’engager mais conchient le personnel politique ».
D’où ces « pistes » de réflexion qu’il suggère : instiller une dose de proportionnelle au parlement, car « on ne règle pas le problème des extrêmes en les excluant, au contraire, on les renforce… La clé est de faire émerger des candidats de la société civile contre la politique des attachés parlementaires. »
Autre « piste » : celle de la responsabilité du chef de l’Etat qui, chaque année, devrait rendre des comptes devant une commission de citoyens. Enfin, Macron plaide aussi pour une vraie décentralisation, seule capable de relancer le renouveau démocratique.
On l’a compris, l’ancien banquier, l’ancien haut fonctionnaire, l’ancien ministre de l’Economie entend jouer un rôle majeur en politique dans les mois qui viennent. S’il n’est pas encore déclaré candidat à la présidentielle, c’est qu’il sait qu’en politique, comme dans une rando, il faut savoir gérer son souffle.
Après ce premier meeting à Strasbourg, intitulé « la France qui subit », deux autres rendez-vous sont prévus : le 11 octobre au Mans et le 18 à Montpellier. Avant l’annonce officielle de sa candidature en novembre. Qui peut en douter ?

Marcel GAY

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