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La guerre, le terrorisme : quelle différence ?

La vague d’attentats qui endeuille la France doit-elle nous faire oublier que notre pays, avec d’autres, bombarde régulièrement des positions « ennemies » à des milliers de kilomètres de Paris ? Avec ses dégâts collatéraux dont sont victimes, aussi, les populations civiles. Nous devons nous interroger sur nos propres responsabilités.

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Bombardement de la coalition en Syrie. (Photo Wikimedia.org)

7 janvier 2015 : tuerie à Charlie Hebdo. 8 janvier : une policière abattue à Montrouge. 9 janvier : attaque de l’Hyper Casher. 13 novembre : massacre au Bataclan et aux terrasses des cafés de l’Est Parisien. 13 juin 2016, un couple de policiers tué à l’arme blanche. 14 juillet 2016 : carnage au camion-fou sur la promenade des Anglais à Nice. Des centaines de morts, des milliers de blessés. Autant d’actes terroristes ignobles qui ont endeuillé notre pays.
Ce sont aussi des actes de guerre.
Les politiques de tous bords nous le rappellent d’ailleurs volontiers. François Hollande, après l’attentat de Nice : « Rien ne nous fera céder dans notre volonté de lutter contre le terrorisme et nous allons encore renforcer nos actions en Syrie comme en Irak… Nous allons frapper ceux qui nous attaquent sur notre propre sol, dans leurs repères. » Deux jours plus tard, les raids de la coalition -dont la France- menés près d’Alep, tenu par le groupe Etat Islamique, faisait une soixantaine de morts, des civils dont une dizaine d’enfants.
Manuel Valls, après les attentats du 13 novembre 2015 : « Ce que je veux dire aux Français, c’est que nous sommes en guerre. Oui, nous sommes en guerre. »
Nicolas Sarkozy, qui n’est jamais en reste, en rajoute une couche au JT de TF1, dimanche 17 juillet 2016 : « Nous sommes en guerre, une guerre totale. Nos ennemis n’ont pas de tabous, pas de frontières, pas de principes. Donc, je vais employer des mots forts : ce sera eux ou nous ! »
La guerre, donc. Mais une guerre asymétrique, comme disent les spécialistes, qui oppose la force armée d’un Etat à des combattants matériellement insignifiants. Et c’est bien parce qu’ils sont « matériellement insignifiants » que les terroristes emploient des armes non conventionnelles destinées à semer le chaos et à désorganiser l’ennemi avec des moyens low-tech et low-cost : des bombes sur les marchés, des engins piégés, des meurtres au couteau, des tueries sauvages sur les lieux de rassemblement. Le seul objectif étant de tuer de façon aveugle, pour créer une immense émotion dans l’opinion et rappeler au monde que la guerre ne consiste pas seulement à larguer des bombes avec des avions loin de leurs bases. Ou avec des drones pilotés par des officiers américains, confortablement installés dans leurs bureaux.

Des chiffres ahurissants !

Faut-il rappeler le carnage des récents conflits menés par les Occidentaux au nom, forcément, des Droits de l’Homme, contre la barbarie sanguinaire des dictateurs ?
En Libye (2011) : sept mois de bombardements aériens, 26.323 sorties, 9.658 raids, 7.700 bombes et missiles tirés, 60.000 morts dus aux frappes occidentales.
En Irak (2003-2011) : huit ans et neuf mois après l’entrée des soldats américains dans Bagdad le bilan humain est effroyable. Sur un million de soldats américains engagés 4.483 ont été tués, 33.183 blessés. Côté irakien, on compte plus de 110.000 morts civils et environ 400.000 miliaires.
Jacques Chirac, alors président de la République, a refusé d’engager le pays dans cette guerre absurde. L’Irak de Saddam n’était pas un foyer de terrorisme et ne disposait d’aucune arme de destruction massive. L’Amérique a menti au monde entier.
Après le départ des troupes américaines, le chaos a fait place à la dictature de Saddam Hussein. A la guerre contre la coalition s’est substitué une lutte fratricide entre la majorité chiite au pouvoir (ancienne bête noire de Saddam Hussein) et les sunnites (soutiens à l’ancien dictateur). L’Irak vit quotidiennement au rythme des bombes et des voitures piégées. Le Bataclan, tous les jours, tous les jours, tous les jours !
En Syrie, cinq ans après le mouvement de contestation du régime en 2011 auquel Bachar el-Assad a répondu par les armes, la guerre a ravagé le pays et fait un demi-million de morts. Sans compter que la moitié de la population a fui le pays pour chercher refuge dans les pays voisins mais aussi en Europe. Des hommes, des femmes, des vieillards, des enfants sont partis, sur les routes et sur les mers, au péril de leur vie, pour fuit l’enfer de la guerre. Parmi eux, de futurs terroristes. Car l’intervention des forces de la coalition a ouvert la voie au développement de l’Etat Islamique qui combat à la fois le régime de Bachar el-Assad et les occidentaux.
Bénéficiant de complicités, comme celle de la Turquie, l’Etat Islamique réplique donc aux bombes avec ses moyens propres. En exportant la guerre dans les pays occidentaux, à coups de voitures piégées, de bombes sur les marchés, d’attaques menées par des soldats de pacotilles recrutés dans les banlieues, endoctrinés dans les prisons et, parfois, formés dans les camps d’entraînement de Syrie et d’ailleurs.
Unique objectif : frapper n’importe où. Faire le plus de morts possibles. Semer la terreur. La même terreur que vivent les populations syriennes, irakiennes, libyennes…
A chacun sa guerre. A chacun, sans doute, sa définition du terrorisme.
Plus nous irons frapper en Syrie, en Irak et ailleurs et plus nous nous exposerons à des représailles et des actes terroristes.
N’est-il pas temps d’arrêter cet engrenage infernal ?

Marcel GAY

France Monde