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L’exit-tax pour les nuls !

Le Président de la République a annoncé le 1°mai dans un article du magazine américain « Forbes » sa volonté de supprimer l’exit-tax. Sur son blog Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget explique de quoi il s’agit.

Christian Eckert, ancien secrétaire d'Etat au Budget (DR)
Christian Eckert, ancien secrétaire d’Etat au Budget (DR)

Le Président de la République a annoncé le 1°mai dans un article du magazine américain « Forbes » sa volonté de supprimer l’exit-tax. Outre la forme et le moment choisi, il convient, une fois de plus, de souligner qu’en la matière, notre constitution confie au seul Parlement le soin de faire la loi. Il est vrai que dans ce nouveau monde, députés et sénateurs sont réduits, même avant la réforme constitutionnelle qui se prépare, à un rôle de porte-parole de la décision du Président.
Le grand public a découvert l’exit-tax. Elle ne concerne en effet que peu de contribuables, au mieux quelques centaines. Depuis l’expression de la volonté présidentielle, les discussions vont bon train sur le sujet et méritent d’être éclairés avec humilité et objectivité.

Le talent et l’environnement

En France, on estime que la plupart des revenus doivent être soumis à l’impôt et aux cotisations sociales. Ainsi en va-t-il des plus-values, réalisées par les actionnaires qui possèdent des entreprises.
Prenons comme fil rouge un exemple : Jean-David, domicilié fiscalement en France, investit 1 million d’euros dans une (ou plusieurs) entreprise et reçoit des actions en échange (elle peut être nouvelle, ancienne, start-up, grosse, petite, cotée en bourse ou pas, bien portante ou en difficulté, française ou étrangère… il peut être dirigeant, majoritaire ou minoritaire…).
Au fil du temps, ses actions ont changé de valeur, car la société a prospéré (ou pas). Lors de la revente de ses actions, s’il réalise une plus-value, il doit la déclarer comme un revenu et payer l’impôt et les cotisations sociales correspondantes. S’il vend par exemple ses actions 1,3 million, il réalisera une plus-value de 300 000 euros, soumise à taxation. Notre pays considère en effet que la valeur créée est due aussi à l’environnement que notre pays construit pour l’économie (écoles, transports, logements, sécurité, infrastructures…). Bien sûr elle est aussi due au talent, à l’audace et à l’esprit d’initiative de l’investisseur, mais pas que !

Officines spécialisées

Jean-David souhaite profiter de son argent. Il veut vendre ses actions. Il trouve un acheteur pour 1.3 million.
Certains pays n’imposent pas ou beaucoup moins que nous les plus-values. Jean-David, bien informé, les connait. Certaines officines spécialisées le lui ont d’ailleurs soufflé à l’oreille et lui ont suggéré de s’installer (fiscalement et temporairement) dans l’un d’entre eux. L’entreprise ne bouge pas, continue sa vie comme avant. Il loue un studio (parfois une simple boîte aux lettres), fait quelques démarches (avec l’aide du cabinet spécialisé) et revend ses actions dans le contexte fiscal complaisant de son « pays d’accueil ». La France ne reçoit rien. Un peu plus tard, Jean-David peut revenir fiscalement chez nous et profiter de l’intégralité de sa plus-value.
En 2011, Nicolas Sarkozy, François Baroin, Valérie Pécresse (sûrement une bande de gauchistes anticapitalistes), ont trouvé cela anormal. Ils ont proposé au Parlement de créer une exit-tax destinée à dissuader ces pratiques. Ils ont trouvé un large consensus au Parlement pour approuver un dispositif forcément complexe pour respecter le droit européen et éviter de toucher les personnes légitimement conduites à déménager.

Quelles sont les personnes concernées ?

Les personnes résidant fiscalement en France depuis au moins 6 ans, possédant un portefeuille d’actions de plus de 800.000 euros ou au moins 50% d’une entreprise. Clairement pas le français moyen…

Comment ça marche ? Au moment de son départ à l’étranger, Jean-David déclare au fisc qu’il part avec une plus-value LATENTE de 300.000 euros. S’il s’installe dans un pays de l’Union européenne, il ne paie rien pour l’instant. Il aura une créance qu’il règlera à la France lorsqu’il vendra ses actions. S’il va hors de l’Union, il règlera en règle générale les impôts sur 300.000 euros.
Quelles conséquences pour l’entreprise ? Aucunes
Comment est-il imposé ? Comme tout le monde. Il bénéficie des abattements (jusqu’à 85%) en fonction de la durée de détention et de la nature de ses titres, d’un abattement supplémentaire de 500 000 Euros (!) s’il part en retraite… Dans le nouveau monde, c’est même maintenant la modeste flat-tax qui s’applique.

Pourquoi ces débats sur le (faible) produit ? Le contrôle des déclarations est difficile et le suivi au fil du temps aussi. Mais la mise en place de l’exit-tax a certainement aussi réduit les pratiques de cette optimisation fiscale. Si le produit apparaît faible (autour de 100 millions), on oublie la créance due par les contribuables qui n’ont pas encore vendu (plusieurs milliards). Il sera d’ailleurs intéressant d’observer comment la suppression de l’exit-tax traitera ces créances !

Le nouveau monde

Après la quasi-suppression de l’ISF, la mise en place du PFU (flat-tax), la suppression de l’exit-tax est pour une toute petite frange de la population un nouveau cadeau de riches. Les entreprises n’étaient pas touchées par l’exit-tax, seuls les actionnaires (et pas les petits) étaient modestement dissuadés d’organiser leur évitement à l’impôt. Jean-David a convaincu Emmanuel Macron. Les députés macroniens sont sommés de faire le service après-vente.
Le nouveau monde respire mais ne ruisselle toujours pas.

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