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Une exoplanète à notre portée : la Terre

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Butte témoin de pélites permiennes fossilifères dans le Var (Permien Moyen, 270 Ma), avec des surfaces d’exondations (“muddle-cracks”)
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Romain Garrouste, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) – Sorbonne Universités

Cet article est publié dans le cadre du 5ᵉ Congrès international de paléontologie qui se tient à Paris du 9 au 13 juillet 2018, organisé par le MNHN-Sorbonne Universités, partenaire de The Conversation France et en collaboration avec les chercheurs de l’ISYEB (Institut de systématique, évolution, biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle, Sorbonne Universités). Ils proposent chaque mois une chronique scientifique de la biodiversité : « En direct des espèces ». Objectif : comprendre l’intérêt de décrire de nouvelles espèces et de cataloguer le vivant… et les espèces du passé de notre planète.


Et si la science-fiction avait, une fois de plus, raison ? Le salut de notre Terre résiderait-il dans un « retour » à la planète originelle ? Encore faut-il la connaître. Véritable machine à remonter le temps, la paléontologie permet paradoxalement, de mieux connaître notre Système Terre et son/notre futur. Alors, pensons à protéger les « archives » de la Terre.

L’exobiologie est une discipline passionnante. Elle s’appuie à la fois sur les dernières données de l’astrophysique, celles de la géologie planétaire et sur les fondements de la vie de notre planète, toujours en cours d’élucidation. Pour cela, les scientifiques ont besoin d’en connaître les mécanismes les plus intimes. On pourrait dire qu’il s’agit d’une science « terre » orientée, basée principalement sur nos connaissances terrestres que l’on tente d’appliquer dans d’autres situations possibles ou observées.

La biologie de l’évolution, associée à la géologie permet de nous faire connaître les conditions de la mise en place des formes de vies qui peuplent notre planète, afin de pouvoir anticiper sur son devenir. Ce dernier aspect est malheureusement sous-développé et souvent ignoré. En effet, ces disciplines se fondent sur l’actualisme, où l’on considère que les règles physico-chimiques et biologiques qui s’exercent sur la terre actuelle sont essentiellement les mêmes (en fait, celles de notre Univers, sauf pour la biologie encore non vérifiée… ailleurs) depuis la fin de la « terraformation ».

Mais l’étude du registre fossile bouscule souvent nos conceptions et interroge en permanence, de façon surprenante, presque comme si on découvrait une « nouvelle planète » régulièrement. En effet, que ce soit aux débuts de l’apparition de la vie sur terre ou dans les grands épisodes marquants de l’évolution du Paléozoïque (l’Ère primaire) et du Mesozoïque (l’Ère secondaire), de nombreuses formes de vies très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui sont apparues, se sont développées et on eu leur « ère de gloire ». Il y eu, à côté de ces réussites, des essais apparemment non transformés, c’est-à-dire l’apparition de communautés et lignées qui se sont éteintes. Certains ont été à l’origine de la vie telle que nous la connaissons après une longue évolution, d’autres ne sont plus connues que par des fossiles. Un peu comme si chaque grande strate correspondait à des conditions planétaires différentes, avec leur cortège vivant particulier. Combien de ces formes de vies « exotiques » nous attendant dans les archives de la Terre ? Comment convaincre de leur intérêt ?

Un laboratoire de paléontologie en Californie.
Joe Mabel/Wikimedia, CC BY-SA

La faune d’Ediacara en Australie (- 575 Ma), les faunes de Burgess au Canada (- 625 Ma) et de Chengjiang (- 530 Ma) en Chine, témoignent de ces communautés vivantes des débuts de vies organisées et complexes des débuts de notre planète, dont les formes n’ont pas forcément fait recette et ce sont éteintes. Récemment la belle découverte d’une faune énigmatique au Gabon, les Gaboniontes a repoussé les débuts de la vie pluricellulaire à plus de 2 milliards d’années.

Plus proche de nous et faisant l’objet d’un engouement commercial et scientifique les ambres de Birmanie, du milieu du Crétacé (99 Ma) sont extraordinaires par leur faune d’insectes, mais renferment aussi des inclusions d’oiseaux et de dinosaures (si, si !). Pour les scientifiques, de nouvelles familles, de nouveaux ordres, des formes très archaïques aujourd’hui pour beaucoup disparues à étudier. On peut penser que les territoires qui ont donné naissance à ces faunes étaient bien isolés des autres. Des sortes de paléo-iles ou d’archipels a fort taux d’endémisme, des hots spots du passé…

Qu’en dit la fiction ?

La série Terra Nova.
dvdbash.com

Du côté de la science-fiction, on aime se rapprocher des racines : les hommes du futur, voyageurs temporels, vont chercher des ressources sur la terre des origines. Ils peuvent chercher à s’y installer pour pallier à la destruction de leur planète (comme dans les séries Fringe ou Terra Nova). En effet si la recherche d’une exoplanète habitable pouvait rendre service à l’humanité (série The Expanse) l’accès à la planète terre des « origines » est logique… Si l’on règle le problème du voyage dans le temps, et ses paradoxes associés. On modifie le passé, quelle incidence sur l’avenir ? Et sur le « présent » ? La fiction s’empare alors des hypothèses des multivers (Men in Black, Fringe, Le Maître du Haut-Château).

De la même manière que nous devons finir d’explorer la biodiversité terrestre actuelle, la paléodiversité de notre planète regorge d’informations, de solutions biomimétiques (paléo-inspiration), d’explications des processus d’évolution et de fonctionnement de notre planète et de ressources dont nous ne savons pas encore avoir besoin. Par exemple, des « mondes perdus » pourraient bien apporter des informations inédites : lac sous la calotte glaciaire antarctique de Vostok ; vallées glaciaires du Groenland et d’Antarctique (accessible grâce au réchauffement climatique).

Préserver les archives de la terre

Pourtant, malgré le fait que la connaissance du fonctionnement du passé de notre planète soit si crucial, les paléosciences ne sont pas forcément à l’honneur dans le monde académique et institutionnel. Surtout si elles ne concernent pas le passé « proche », permettant de comprendre mieux les variations des climats et l’adaptation des premiers humains. On peut déplorer en particulier l’absence de volonté pour préserver les archives de la terre, soit le registre fossile de nos roches et sédiments anciens. Tous les jours et partout sur notre planète des informations inédites sont détruites, concassées, moulues, bétonnées, polluées, abîmées. On ne peut pas tout garder, mais comme pour l’archéologie ne peut-on pas envisager une paléontologie préventive ? Pourquoi en France n’y a-t-il pas un paléontologue « départemental » dans chaque département ?

Ne parlons pas des financements de la recherche et de l’avenir de nos étudiants, un gaspillage de jeunes scientifiques passionnés et très compétents, un véritable crève-cœur pour les formateurs et les responsables de la sélection des candidats.

The ConversationIl existe pourtant un engouement du grand public pour ces sciences du passé, des musées de sites, de nombreuses volontés au niveau local… Il ne serait pas difficile de justifier des investissements dans la recherche et la préservation du patrimoine paléontologique, par exemple pour favoriser le géotourisme. Citons l’Afrique du Sud qui a fait de la paléontologie une « cause » nationale et donne des moyens substantiels à sa recherche. Rendons au passage hommage à de nombreux amateurs et à une certaine science citoyenne qui s’exerce depuis bien longtemps en permettant d’avoir accès aux archives de la terre inaccessibles au monde la recherche faute d’une masse critique et de moyens suffisants dans les paléosciences.

Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205 MNHN-CNRS-UPMC-EPHE), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) – Sorbonne Universités

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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