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Ce que change la rupture conventionnelle collective

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Pitel on Visual Hunt, CC BY-SA

Caroline Diard, École de Management de Normandie – UGEI

Le gouvernement avait promis la flexibilité. C’est chose faite à travers plusieurs dispositifs prévus dans les ordonnances du 22 septembre 2017.

Et si une ordonnance changeait la vie ?

C’était une ordonnance, sans rien de particulier qui a fait peu de bruit jusqu’alors, l’Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. Elle prévoit en son article 10 la possibilité d’une rupture conventionnelle collective.

L’annonce de l’utilisation du dispositif dès la publication du décret d’application (Décret n° 2017-1723 du 20 décembre 2017 relatif à l’autorité administrative compétente pour valider l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective et Décret no 2017-1724 du 20 décembre 2017 relatif à la mise en œuvre des ruptures d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif) par le groupe PSA, a fait réagir les partenaires sociaux. Il faut dire qu’en terme de communication, cette annonce est explosive tant elle témoigne de la volonté d’appropriation rapide d’un dispositif. Effet d’aubaine ou réelle nécessité de réorganiser ?

Il est intéressant de comprendre ce qu’apporte ce nouveau dispositif au regard des dispositions jusque-là utilisées par les entreprises.

L’article 10 de l’ordonnance n°2017-1387 permet aux entreprises de conclure un accord collectif portant ruptures conventionnelles collectives (RCC). Une fois validé par l’administration, l’accord conduit à une rupture du contrat d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. L’accord peut être conclu même en l’absence de difficultés économiques dans l’entreprise.

Il s’agit donc bien là d’une simple ordonnance qui permet de favoriser les départs volontaires collectifs, sans engager de procédure de PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi), sans licenciement ni démission. Une nouvelle forme de plan de départs volontaires, moins contraignante et infiniment plus souple et plus rapide qu’un licenciement collectif pour motif économique. Nul besoin de mettre en avant de quelconques difficultés économiques.

Le Plan de Départs Volontaires (PDV)

Auparavant, les entreprises ont multiplié les plans de départs volontaires (PDV) afin de supprimer des postes et donc diminuer la masse salariale, sans se soumettre aux contraintes juridiques imposées par la mise en œuvre d’un licenciement collectif pour motif économique.

En effet, dans les entreprises dont l’effectif dépasse 50 salariés souhaitant se séparer de plus de 9 salariés, il faut mettre en place un PSE. Cela implique la consultation des instances représentatives du personnel, des obligations de reclassement, une validation par la DIRECCTE. Autant de complications que les employeurs préfèrent éviter, sans compter l’installation d’un climat social délétère à l’annonce d’un PSE. L’instauration d’un PDV était donc jusqu’alors la version « douce » du PSE.

Le PDV restait malgré tout soumis à la Consultation des représentants du personnel et à la mise en oeuvre de conventions de reclassement personnalisé ou congés de reclassement, les salariés concernés bénéficiant alors de la priorité de ré-embauchage et des Indemnités chômage.

En revanche, certaines règles du licenciement pour motif économique ne s’appliquent pas aux départs volontaires. On pense notamment au respect des critères d’ordre des licenciements. L’employeur n’a pas non plus à tenir l’entretien préalable puisqu’il n’y a pas de licenciement. Les dispositions relatives au préavis en cas de licenciement ne s’appliquent pas, la date de rupture étant fixée dans le cadre de la rupture amiable dans les conditions prévues au plan de départ volontaire.

De même, La Cour de cassation n’impose pas le versement de l’indemnité de licenciement en cas de départ volontaire. Lors d’un PDV, la rupture amiable ne peut être contestée que si le salarié prouve que son consentement a été vicié ou que ses droits n’ont pas été préservés.

Jusqu’à présent, le plan de départ volontaire, permettait ainsi à l’employeur, en toute autonomie de diminuer sa masse salariale, bien souvent en prévision de difficultés économiques. Il s’agissait d’une rupture amiable dont les contours ont progressivement été dessinés par la jurisprudence (Cass. soc. 26 oct. 2010 n° 09-15187 ; Cass. soc. 17 déc. 2014 n° 13-19621).

Désormais, la loi encadre ces départs volontaires.

La nouvelle rupture conventionnelle collective

On connaissait déjà la rupture conventionnelle, prévue aux articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail, permettant à l’employeur et au salarié depuis 2008, d’un commun accord de décider des conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Cette rupture est homologuée par l’autorité administrative.

La rupture conventionnelle collective quant à elle est à l’initiative de l’employeur uniquement. Les contrats sont rompus d’un commun accord selon les modalités définies par un accord collectif portant rupture conventionnelle collective. (Art. L. 1237-17. Un accord collectif portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou rupture conventionnelle collective peut définir les conditions et modalités de la rupture d’un commun accord du contrat de travail qui lie l’employeur et le salarié. Ces ruptures, exclusives du licenciement ou de la démission, ne peuvent être imposées par l’une ou l’autre des parties.

Cet accord portant rupture conventionnelle collective doit ainsi définir (Art. L. 1237-19) :

• les modalités et conditions d’information du comité social et économique ;

• le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées, et la durée de mise en oeuvre de la rupture conventionnelle collective ;

• les conditions que devront remplir les salariés pour en bénéficier ;

• les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;

• les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties aux salariés, qui ne pourront être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement pour motif économique ;

• les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif prévu par l’accord collectif ;

• des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés ;

• les modalités de suivi de la mise en oeuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle.

Ce mode de rupture permet l’ouverture de droits à l’assurance chômage mais n’offre pas la possibilité de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) (proposé aux salariés visés par une procédure de licenciement économique dans les entreprises de moins de 1.000 salariés), ni de la priorité de ré-embauchage qui existe dans le cadre d’un licenciement économique.

The ConversationPlusieurs entreprises ont dores et déjà annoncé dans la presse la mise en place de ruptures conventionnelles collectives. Les entreprises en rêvaient, le gouvernement l’a fait ! Ce mode de rupture amiable semble changer la vie des entreprises qui n’ont pas attendu le début d’année et ont immédiatement après la publication des décrets, déclaré mettre en œuvre ce nouveau mode de rupture des contrats de travail.

Caroline Diard, Professeur associé en Management des Ressources Humaines et Droit – Laboratoire Métis, École de Management de Normandie – UGEI

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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