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Millas : « une pétition honteuse »

La pétition de soutien à la conductrice du car impliquée dans l’accident de Millas, suscite une profonde indignation chez les cheminots. Voici ce qu’écrit le secrétaire général de la Fédération des cheminots FiRST, Bernard Aubin.

Millas: une pétition "honteuse" selon le syndicat FiRST
Millas: une pétition « honteuse » selon le syndicat FiRST

« Deux semaines après une terrible collision entre un TER et un car, survenue à Millas, les enquêteurs n’ont toujours pas pu établir de manière certaine les causes de l’accident. Et encore moins les responsabilités des protagonistes… Les témoignages sont contradictoires, certains plaident en faveur d’un fonctionnement normal des installations du passage à niveau. D’autres, dont celui de la conductrice du car, accréditeraient la thèse des barrières levées.
Face un drame qui fit 6 morts, plusieurs blessés, et qui bouleversera à jamais la famille des victimes et leurs proches, la déontologie impose le respect. La SNCF s’est, pour sa part, interdit toute polémique. Elle laisse le soin aux enquêteurs de dénouer le vrai du faux et s’est imposée le silence et la réserve qu’exigent les circonstances. Une fois n’est pas coutume, sur ce point, son attitude est exemplaire. Il n’en a pas été de même de la part du patron de la conductrice de car, qui s’est échiné à affirmer que les barrières étaient ouvertes sans que cela ne soit clairement établi.
Mais il y a pire ! Cette pétition honteuse, immonde, lancée sur Internet, qui est sur le point de recenser 50 000 signatures (copie du texte) :

Accident de Millas : " une pétition honteuse" signée par 50.000 personnes!
Accident de Millas :  » une pétition honteuse » signée par 50.000 personnes!

« Soutient à Nadine conductrice du car de Millas accuser à tord par l´état Français ! Plusieurs témoignage d’habitant de Millas et ses alentours on affirmer que les barrières disfonctionner par moment! Merci de partagez au maximum. SNCF = ÉTAT ( a ne pas oublier ). Enorme soutient aux familles des victimes »
Passons sur le français plus ou moins approximatif du texte : 4 lignes, 12 fautes. Il aurait fait hurler de rire un élève de primaire du temps où l’on apprenait encore à écrire à l’école.
Le fond est bien plus inquiétant. Selon plusieurs témoignages, les barrières auraient donc « disfonctionner par moment ». Quand ? Lors du passage d’un train ou en l’absence de circulation ferroviaire ? Les feux, qui commandent l’arrêt, fonctionnaient-ils ? Qui sont ces témoins ? Ont-ils pris contact avec les enquêteurs ?

Initiative polémique

Nadine serait donc « accuser à tord par l’Etat français ». Quel homme politique, quel membre du Gouvernement a accusé Nadine ? Qui aurait pris un tel risque avant la restitution des enquêtes en cours ? La fin du texte nous éclaire un peu : « SNCF = ÉTAT ( a ne pas oublier ) ». Nous y voilà. Ce n’est donc pas l’Etat, mais la SNCF qui aurait accusé Nadine. Qui au juste ? Après un accident mettant en cause un train, le silence de l’Entreprise n’a jamais été aussi assourdissant. Peut-être l’auteur de la pétition a-t-il entendu des voix ?
Soyons clairs. Il n’est ni plus ni moins écrit, dans ce torchon, que la SNCF est coupable. L’Entreprise accuserait « Nadine » d’avoir délibérément provoqué l’accident pour se défausser de ses propres responsabilités. Sauf qu’à ce jour, la seule chose que l’on sait, c’est que l’on ne sait rien. La SNCF est peut-être responsable, la conductrice de car peut-être aussi. D’autres facteurs sont-ils entrés en jeu, induisant une répartition des responsabilités moins tranchée ? Lorsque l’on ne sait pas, on se tait !
Non, cette pétition ne constitue pas un « Enorme soutient aux famille des victimes ». Cette initiative, fallacieuse et polémique, ne vise qu’à attiser les tensions, les interrogations, les souffrances !
Dans cette affaire, le plus à blâmer n’est pas l’auteur de la pétition… Il est bon de s’interroger sur ce qui se passe dans les têtes des 50 000 signataires. Ceux qui ont paraphé ce pamphlet sans rechigner. Ceux qui corroborent de fait des affirmations approximatives, non-fondées. En France, au 21ème siècle, 50.000 personnes viennent de désigner un coupable en dehors de tout procès. Inquiétant !
Et si, un jour, la Justice venait à condamner les partisans de cette pétition sans preuve, pour des faits qu’ils n’ont pas commis ? Comment réagiraient-ils ? Y ont-ils seulement réfléchi ?… En lançant une pétition pour une justice plus rigoureuse ?
Réfléchir… Sans doute un « gros mot » de nos jours… Nous sommes tombés bien bas ! »

Bernard Aubin
secrétaire général du syndicat FiRST

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