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Digital natives (3) : le monde au bout des doigts

Georges Séror, Pôle Universitaire Léonard de Vinci

Capture19Dans la société de l’image et de l’instantané, les jeunes générations ont les pensées « kaléidoscopes ». Ils peuvent tout faire en même temps… regarder un film sur YouTube, parler avec un ami, envoyer un SMS, regarder le temps qu’il fait dehors, et imaginer la minute qui va suivre… pourvu qu’ils en changent le cours.

Aller vite et bien

Il est vrai que depuis les années 90, les digital natives ont été nourris aux séries, à la Télé réalité, aux CD Rom, aux DVD Rom, à l’encyclopédie sur le net, à l’arrivée d’Internet et de MSM, de ICQ, des SMS, des Tatoos, Tribu et dès 2005 de Facebook.

Les jeunes générations ont donc pris l’habitude d’aller vite et bien… à la recherche d’informations qui somme toute étaient virtuelles. Impalpables et difficiles à mémorisées, pas de « Madeleines de Proust volatiles ».

Peu à peu les cahiers ont été remplacés par les organiseurs puis par les smartphones. Enfin, les enseignants se sont laissés possédés par YouTube. Le cartable est devenu sac à main après avoir été sac à dos.

Le rôle des smartphones et de Google

Actuellement ce sont les smartphones qui transportent les jeunes. La connaissance en poche est donc à portée de main et les idées sont à l’extérieur. Pourvu qu’elles soient téléchargées.

Plus besoin d’esprit de réflexion pour réfléchir… il suffit de lancer haut et fort le slogan magique : « Tapez Google ». 90 % des moins de 15 ans ont un mobile en classe.

Les enseignants doivent se battre pour les leur faire éteindre dès l’entrée en cours et pour les garder en poche ne serait-ce qu’une heure.

Les digital natives sont depuis longtemps de véritables consommateurs de savoir et pensent que se forger une idée passe forcément par leur moteur de recherche favori. Une page blanche, et hop des infos. Mais pour ce qui est de garder en mémoire les données… c’est plus difficile.

Une question d’usage et de mémoire

Les digital natives passent en moyennes une quinzaine d’heures par semaine sur Internet. Les jeunes générations possèdent une mémoire « haute définition » soit une mémoire implicite perceptuelle, comme le montre les travaux de recherche du professeur Philip Ko de l’Université Vanderbilt à Nashville, dans le Tennessee.

Comment donc, imaginer le monde peuplé d’individus forgés par des années de jeux, de zapping et de choix des « savoirs à la carte » ?

Je joue sur Internet et de plus en réseau, je customise ma voiture, je choisis ma résidence de vacances, je change de partenaire, je décide de supprimer de ma vie tout ce qui ne me convient pas.

Ou, plus encore je « zappe » le prof quand je ne le veux plus… donc je ne le vois plus… il ne fait plus partie de ma vie et je le supprime de mes amis. En fait, je n’ai plus qu’un seul ami : Google… il englobe des milliers d’amis.

En réalité, la connaissance depuis vingt ans a subi le sort des données virtuelles. Elles font partie de la libération de l’inconscient sous caution. S’inscrire, se localiser, accepter et hop ! ! ! Avoir un diplôme, un ami, un job, aimer et se satisfaire.

Les digital natives ont donc un pouvoir fulgurant : la capacité de choix et de suppression de tout ce qui dérange. J’aime : j’ingurgite… j’aime pas : je supprime. Un stage ne me convient pas… je zappe.

Un copain me dit ce que je ne veux pas entendre : je le trappe, le supprime, le « tège ». Mes parents ne me comprennent pas, je file. Un individu m’adresse la parole, ça ne me plaît pas : j’évite… je m’évade.

Tout est ici et maintenant… pourvu que j’aie vite et que je maîtrise… je contrôle !

Les marques à l’assaut

De plus, les marques l’ont bien compris, les digital natives confient volontiers leurs données personnelles afin de contribuer à l’expansion du monde de la consommation digitale.

Sur une dizaine de pages renseignées sur Facebook, des milliers de lignes de code abreuvent les marques sur les consommateurs et avant tout, les futures générations. Mieux connaître les jeunes c’est mettre au point des produits qui leur correspondront a fortiori.

Le syndrome de Stockholm pousse les jeunes à la dépendance et à l’acceptation de la torture psychologique. Être dépendant et en empathie avec le bourreau. Accepter la torture des marques, c’est mieux comprendre pourquoi ont joue avec le digital et comment ont s’identifie au virtuel. Les marques sont amies mêmes si elles nous torturent… pourvu qu’on soit connectés.

Sur les mobiles les jeunes laissent bien plus que des empreintes digitales. Ils déposent leur identité digitale.

Les digital natives ont aujourd’hui tout au bout des doigts. Espérons qu’ils réfléchiront avant d’appuyer sur les gâchettes.

The Conversation

Georges Séror, Responsable pédagogique de l’Axe Communication Digitale et Apprentissage, Pôle Universitaire Léonard de Vinci

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

 

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