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Référendum en Italie : le quitte ou double de Matteo Renzi

Marc Lazar, Sciences Po – USPC

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Matteo Renzi (Photo credit: Tukulti Ninurta via Visualhunt / CC BY)

Les Italiens sont appelés aux urnes le dimanche 4 décembre pour décider s’ils approuvent ou rejettent une série de réformes institutionnelles voulues par le gouvernement de Matteo Renzi.

La réforme du sénat au cœur de la consultation

Parmi les dispositions contenues dans la loi adoptée par le Parlement le 12 avril dernier, la plus spectaculaire et importante concerne le Sénat. Jusqu’ici celui-ci était élu au suffrage universel pour 5 ans par les citoyens âgés de plus de 25 ans, contre 18 pour la Chambre des députés, et disposait du même pouvoir que l’autre assemblée. La réforme portée surtout par la ministre pour les Réformes constitutionnelles et des relations avec le Parlement, Maria-Elena Boschi, à l’issue de longs mois de débats et de multiples amendements vise à rompre avec le bicaméralisme intégral instauré en 1948.

Le Sénat aurait pour vocation principale de représenter les institutions territoriales. Au lieu des 315 membres actuels, il serait composé de 74 conseillers régionaux et 21 maires élus par les conseils régionaux auxquels viendraient s’ajouter 5 personnalités nommées, non plus à vie comme actuellement, mais pour un mandat de 7 ans non renouvelable par le président de la République. Aucun d’entre eux ne toucherait une indemnité. Il légiférerait sur les réformes et les lois constitutionnelles, les traités concernant l’Union européenne, les lois concernant les régions et les grandes métropoles ou encore celles concernant les référendums. Il pourrait examiner la loi de finances mais la Chambre pourrait rejeter à la majorité simple ses éventuelles modifications. Il ne pourrait plus donner ou retirer sa confiance au Président du Conseil.

Par ailleurs, un mois plus tard, le gouvernement a fait adopter une nouvelle loi électorale baptisée l’Italicum, non soumise au vote mais qui est au cœur également de la campagne référendaire. Elle stipule qu’un parti qui obtient 40 % des voix raflera automatiquement 55 % de députés, le reste se répartissant entre les partis ayant eu plus de 3 % des suffrages. Si aucun parti n’atteint les 40 %, un deuxième tour est organisé entre les deux partis arrivés en tête, le vainqueur se voyant là aussi attribuer 55 % des sièges.

Stabilité versus spectre du césarisme

Les défenseurs de la réforme en chantent les vertus et les mérites. Elle permettrait, selon eux, de sortir du profond climat de défiance politique qui existe en Italie car elle assurerait une majorité parlementaire claire, une stabilité réelle – l’Italie a connu 63 gouvernements en 70 ans de République – et donc une gouvernabilité du pays, en mesure d’agir vite sans perdre du temps avec les navettes incessantes et exténuantes entre les deux Chambres. Et en plus en réduisant les coûts de la politique.

Ses adversaires les plus modérés dénoncent les imperfections techniques de la réforme et déplorent qu’elle divise le pays au lieu de créer un nouveau consensus. Les plus radicaux expliquent qu’on ne peut toucher à l’une des Constitutions les plus démocratiques du monde et s’alarment, surtout avec l’Italicum, d’un risque de césarisme (on dirait en France de bonapartisme) soit dès maintenant avec Matteo Renzi, soit à l’avenir.

Matteo Renzi, l’homme à abattre

Mais à ces controverses qui opposent durement des constitutionnalistes et des politologues viennent se mêler des considérations plus politiques, au demeurant pas toujours absentes des débats entre experts. Matteo Renzi a reconnu avoir commis une erreur en personnalisant au début ce scrutin, expliquant qu’en cas d’échec, il renoncerait à la politique. Le Florentin a depuis mis de l’eau dans son chianti et il a cherché à diviser ses adversaires en acceptant de revoir la loi électorale. Mais il ne peut empêcher que le vote du 4 décembre prenne les allures d’un plébiscite.

Le jeune président du Conseil a pris le risque de transformer ce référendum en plébiscite.
Palazzo Chigi/Flickr, CC BY-NC-SA

Qu’il aborde difficilement en dépit de son plein engagement dans la campagne. Car Renzi est assez isolé. Il peut compter sur la majorité de son parti, le Parti démocrate (PD), quelques centristes, des personnalités dont l’ancien président de la République Giorgio Napolitano et diverses organisations d’intérêt comme la Confindustria (le Medef italien). Contre lui s’est formée une coalition totalement hétérogène regroupant la Ligue Nord, la plus grande partie de Forza Italia de Silvio Berlusconi, Fratelli d’Italia (extrême droite), divers regroupements centristes, le Mouvement 5 étoiles, la gauche de la gauche et la minorité de son propre parti.

Tous recourent à des arguments juridiques mais sur le fond, ils ne sont mus que par une ambition : affaiblir Matteo Renzi, voire le bouter hors de la compétition politique quand bien même eux sont divisés sur tout et de ce fait incapables de gouverner ensemble. Matteo Renzi est l’homme à abattre. Il faut donc attendre le 4 décembre au soir pour voir si leur objectif est atteint.

Un résultat attendu avec impatience en Europe

Si le oui gagne, cela sera non pas une victoire, mais presque un triomphe pour Matteo Renzi. Il pourra régler ses comptes dans son parti, y asseoir plus que jamais son autorité et profiter de la déconfiture de ses adversaires. Jusqu’à demander au président de la République de dissoudre les chambres pour des élections anticipées ? C’est à voir.

Si en revanche, le non l’emporte, Matteo Renzi serait vraisemblablement obligé de présenter sa démission au Président de la République. Lequel pourrait lui demander d’abord d’aller se présenter devant les Chambres pour vérifier s’il a encore ou pas la confiance du Parlement. Renzi, déjà affaibli, acceptera-t-il de le faire et si oui obtiendrait-il une nouvelle confiance ? Le président de la République a de toute façon une autre carte : tenter de trouver une personnalité apte à former un gouvernement (on parle beaucoup du Président du Sénat), refaire une loi électorale puis aller aux élections soit de manière anticipée au cours de l’année prochaine soit à la fin de la législature en 2018. Enfin en cas de blocage, la seule solution restante serait celle de la dissolution des Chambres mais après avoir trouvé une nouvelle loi électorale car l’actuelle a été déclarée en partie inconstitutionnelle.

On comprend dans ce contexte que le résultat de dimanche est attendu avec impatience en Italie mais aussi en Europe. Car, surtout en cas de rejet de la réforme, la période d’incertitude qui s’ouvrirait dans un des pays majeurs de l’Union européenne mais dont la fragilité économique et bancaire est réelle, fait craindre le pire aux chancelleries et aux marchés financiers.

The Conversation

Marc Lazar, Directeur du Centre d’Histoire de Sciences Po et Président de la School of government de l’Université Luiss (Rome), Sciences Po – USPC

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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