Occitanie
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Rome demande (un peu tard) pardon aux cathares !

Huit siècles après le massacre des hérétiques du Languedoc, l’Eglise catholique s’excuse d’avoir mené une croisade féroce contre les albigeois, massacrés par milliers au nom de Dieu. Ainsi, le 16 mars 1244, un peu plus de 200 cathares furent jetés dans les flammes du bûcher de Montségur. Le 16 octobre 2016, une cérémonie religieuse commémorera ce triste événement. Qui étaient les cathares ? Quel message nous ont-ils transmis ? Petite révision didactique.

1- D’où vient ce nom ?

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Le château de Montéségur (Ariège) et le Camp del crémats (Photo credit: Juanjo Abenza via Visual Hunt / CC BY-ND)

On admet que le nom de « cathare » vient du grec Katharos qui veut dire « pur ». Mais ils ne sont jamais appelés eux-mêmes ainsi. Comme celui de Parfaits ou Parfaites que leur donna l’inquisition et qui signifie « Parfait hérétique ». On les appelait « patarins » en Italie « bougres » dans le nord de la France, c’est à dire homosexuels. En pays d’oc c’était plutôt Tisserands. On les appela aussi hérétiques agenais, toulousains ou albigeois. Et curieusement c’est ce dernier vocable qui connut avec celui de cathares, très utilisé en Allemagne, le plus grand succès. Il est vrai qu’Albi fut le siège de l’un des quatre évêchés de l’Eglise cathare. Ajoutons qu’Albi veut dire blanc, couleur de la pureté….
Entre eux, les cathares s’appelaient « chrétiens ou bons chrétiens » ou encore « amis de Dieu. » Ils allaient deux par deux, vivaient pauvrement et prêchaient par l’exemple. Le secret de leur popularité c’est qu’ils accordaient leurs actes à leurs paroles.

2- L’origine du catharisme ?

En Occitanie, les idées nouvelles viennent de la Méditerranée. Pour bien comprendre l’origine de cette religion nouvelle il faut remonter plusieurs siècles avant notre ère lorsque Zoroastre (Zarathoustra) fonda la religion de la Perse antique. Pour lui, deux divinités opposées se disputent le monde : les Ténèbres et la Lumière. Ses adeptes étant les Parsis (purs) ont donné leur nom à la Perse.
Au 3ème siècle de notre ère, cette religion se réforme sous la conduite de Manès ou Mani, un prophète, un chef religieux légendaire. Sa religion, le manichéisme, est fondée sur l’opposition entre les deux principes : le Bien et le Mal. Cette vision dichotomique du monde s’étend par de multiples voies de pénétration vers les Balkans, l’Italie, l’Allemagne, la Pologne etc.
Quelques siècles plus tard, cette religion s’enrichit de mouvements spiritualistes comme le gnosticisme qui affirme que l’âme est le reflet de Dieu emprisonnée dans le corps, cette matière créée par le Malin.
Voilà les racines profondes du catharisme qui se répand dans toute l’Europe. Les traces écrites les plus anciennes remontent au 11ème lorsqu’un pope bogomile du nom de Nicétas répand une religion nouvelle : le bogomilisme. Nicétas viendra présider le premier concile cathare à Saint-Félix de Caraman près de Toulouse en 1167.

3- L’Eglise cathare

Héritière de toutes ces croyances, la doctrine cathare repose sur le principe du dualisme entre deux créations. D’un côté, une réalité spirituelle, invisible, éternelle, celle de Dieu. De l’autre, un monde matériel, visible, forcément mauvais et forcément corrompu, œuvre d’un démiurge, appelé Satan ou Lucifer. La mort du corps, c’est la libération de l’âme.
On peut y arriver par l’ascèse, le jeûne, le travail, la mortification. Et la mort.
Dans les Etats du Languedoc où s’intalle la nouvelle religion, les cathares accordent leurs actes à leurs paroles là où le clergé catholique mène une vie dissolue.
Les cathares se proclament chrétiens mais ils rejettent l’ancien testament ainsi que les rites de l’Eglise catholique. Ils refusent d’adorer la croix, instrument du supplice. Ils refusent de prêter serment. Les cathares pratiquent un seul et unique sacrement, « la consolation », « le consolament » en occitan, « le consolamentum » en latin. Avec parcimonie. Ils se disent les seuls vrais disciples des apôtres.
Il existe trois degrés d’initiation à cette religion :
• les simples fidèles , ce sont des sympathisants auxquels on demande de pratiquer le ‘’Melhorier’’c’est-à-dire « l’amélioration » de soi.
• Les croyants qui doivent pratiquer l’humilité, avoir une vie saine, de ne pas mentir, de ne pas tuer les hommes ou les animaux. Ils doivent aussi se confesser publiquement de temps en temps.
• Enfin, les Bons Hommes ou Bonnes Femmes, les Parfaits revêtus de la robe noire, ils ont reçu le consolamentum. Ils ne mangent pas de viande ni de produits dérivés des animaux, se soumettent à l’abstinence sexuelle totale, et ne renient jamais l’église cathare.
Les cathares croient à la métempsycose c’est-à-dire à la transmigration des âmes après la mort soit dans le corps d’un autre homme (ou femme) soit dans le corps d’un animal.
Leur texte de base est l’Evangile de Jean.
Leurs symboles : l’étoile à cinq branches dite Pentagramme et la croix à branches égales, symbole des quatre horizons, la colombe, symbole du Saint-Esprit. Et le pélican qui se sacrifie pour nourrir ses enfants.
Le trésor qu’on leur prête est celui du Graal, cette relique imaginaire dont on dit qu’elle pourrait être une pierre précieuse tombée du front de Lucifer ou le calice sacré dans lequel Joseph d’Arimathie a recueilli le sang du Christ.
La légende arthurienne des chevaliers de la Table Ronde va contribuer à développer le mythe du Graal à travers les récits de Perceval.

4- Les Etats du Languedoc

L’hérésie cathare va trouver dans les Etats du Languedoc sa terre d’élection. Des seigneurs occitans partis pour l’Orient en 1147 pour la deuxième croisade se sont convertis au manichéisme.
Dans ces régions inondées de soleil on parle occitan, langue véhiculaire de l’époque grâce aux troubadours. Dante hésitera à écrire sa Divine Comédie en occitan. C’est une civilisation brillante et raffinée qui a deux bons siècles d’avance sur toutes les autres. Le comte de Foix et le roi d’Aragon s’écrivent en vers quand le roi de France ne sait même pas signer de son nom.
Le maître mot, intraduisible en français, c’est le Parage, (on prononce Lou Paratge) càd l’égalité dans l’honneur.
Les femmes ont les mêmes droits que les hommes. La tolérance est la règle pour toutes les religions. Les Juifs participent à la gestion des affaires publiques. Les médecins juifs et arabes fonderont en l’an Mil la célèbre faculté de médecine de Montpellier. Des poètes et des musiciens se déplacent de château en château pour chanter l’amour courtois, le gay savoir. On est loin du régime féodal barbare et très hiérarchisé du Nord.

5- La guerre sainte

Face au danger que présente l’hérésie pour Rome, le pape lance une croisade contre les infidèles. On appelle croisade toute guerre menée par des porteurs de croix.
Elle se fait en trois temps. Une première croisade (1209-1218) dure près de 20 ans. Puis une seconde (1218-1243), enfin, l’Inquisition sera créée tout spécialement pour traquer les hérétiques cathares.

Tout commence en 1200 lorsque le pape Innocent III lance la guerre sainte contre les hérétiques du Languedoc (le djihad ne date pas d’aujourd’hui !!!). La première sur le sol de la chrétienté. En 1203 Arnaud Amaury, abbé de Cîteaux, part pour ramener les hérétiques dans le droit chemin. Mais en 1208, le légat du pape, Pierre de Castelnau est assassiné à Saint-Gilles-du-Gard. Rome y voit la main du comte de Toulouse, Raymond VI. Le pape fait appel au roi de France pour l’aider à extirper l’hérésie. Il lance la première croisade contre les Albigeois. En 1209, les troupes conduites par Simon de Montfort envahissent le Languedoc. Cette période est marquée par le sac de Béziers 22 juillet 1209. 20.000 morts en une journée. Comment distinguer les bons catholiques des hérétiques cathares ? On prête à Arnaud Amaury, abbé de Cîteaux et légat du pape, cette apostrophe restée célèbre : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! »
Cette période marquée aussi par la mort du roi Pierre d’Aragon à la bataille de Muret (12 septembre 1213). Simon de Montfort fut tué en 1218.
Précisons que le pape avait accordé la rémission de tous leurs péchés aux croisés pendant 40 jours ! On pouvait donc tuer, violer, piller sans n’avoir rien à craindre ni de la justice des hommes ni de celle de Dieu !

6- « L’odieux marchandage »

Le pape et son bras armé, Simon de Montfort demandent à Raymond VI de livrer tous les cathares et, en contrepartie, il aura la vie sauve. Le comte de Toulouse refuse de livrer ses sujets. Il s’enrôle lui-même dans les troupes du pape pour éviter l’invasion de ses terres. Peine perdue.
Même chose à Raymond-Roger Trincavel, (celui qui tranche bien) vicomte de Béziers et de Carcassonne. C’est un jeune homme de 24 ans. Ce dernier accepte d’être pris en otage contre la libération de ses sujets. Il sera jeté dans un cachot avant d’être assassiné.
Les massacres vont continuer avec leur lot d’atrocités. A Bram, les chefs de la croisade firent arracher les yeux, couper les lèvres et le nez de tous les défenseurs de la forteresse. Sauf à l’un d’entre eux auquel ils laissèrent un œil pour guider les suppliciés sur les routes et les chemins.
A Lavaur, la châtelaine, dame Giralda défendit son château avec un énorme courage pendant plus de deux mois avec 80 chevaliers alors que les assiégeants sont au nombre de 6.000. Quand finalement Simon de Montfort parvient à s’emparer de la forteresse, il fait égorger tous les défenseurs, fait violer la dame Giralda par ses soldats avant de la jeter vivante dans un puits. « Ce fut grand pêché » dit la Chanson de la Croisade.
Pourchassés à travers tout le pays, les derniers cathares trouvent refuge dans les citadelles du vertige de l’Aude et de l’Ariège : Monségur, Puisserguiers, Quéribus…Elles tomberont les unes après les autres. Mais l’hérésie ne sera pas vaincue pour autant.

7- Les troubadours

Le bûcher de Montségur n’a pas mis fin à la résistance des cathares. Les Parfaits se sont réfugiés dans les grottes et dans les bois. Vers 1300, environ 500 Parfaits et leurs fidèles sont réfugiés dans la grotte de Lombrives, dans l’Ariège. Ils prient et ils jeûnent, parfois jusqu’à la mort. En 1328 une troupe du sénéchal du roi de France fait murer le goulot qui conduit à la grotte. Les 500 malheureux sont emmurés vivants. Les protestants persécutés à leur tour se réfugieront plus tard dans cette grotte et trouveront les squelettes pétrifiés des derniers cathares. En 1578 le roi Henri IV ira se recueillir à la grotte de Lombrives.
Ainsi a disparu définitivement l’Eglise cathare. Mais elle survit dans le chant des poètes et dans le folklore populaire. Car à l’époque où l’Occitanie se donne la religion cathare, elle rayonne dans toute l’Europe par la poésie brillante de ses troubadours. Jusqu’à nos jours.
Leur message reste aujourd’hui encore d’une étonnante actualité. Que nous disent-ils ? Respectons la nature, les plantes et les animaux. Contrôlons les naissances. Mangeons sainement. Ouvrons-nous vers les autres et accueillons-les de notre mieux. Résistons aux tentations futiles et dérisoires. Le message des cathares du Languedoc est d’abord un message d’amour, d’espérance et de foi en un avenir meilleur.

Marcel GAY

France Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées Occitanie