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Le Rwanda peut-il présider l’Organisation internationale de la francophonie ?

Par Ilyes Zouari Spécialiste du Monde francophone, Conférencier,
Par Ilyes Zouari
Spécialiste du Monde francophone, Conférencier

Point-de-vue. Selon les dernières informations disponibles, la candidature du Rwanda à la présidence de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) semble se confirmer. Par ailleurs, cette probable candidature semble bénéficier du soutien d’un certain nombre de pays, dont la France.
Le CERMF condamne toute éventuelle candidature rwandaise à la présidence de l’OIF pour les deux simples raisons :
– Un pays anglophone ne peut être élu à la présidence de l’OIF ;
– L’un des régimes les plus totalitaires de la planète ne peut être élu à la présidence de l’OIF.

Au pouvoir depuis 1994

En effet :
– le régime rwandais est l’une des pires dictatures du continent africain, qui sont au degré « zéro » en matière de liberté d’expression (avec l’Égypte, l’Érythrée et le Swaziland) ;
– le régime rwandais est probablement le seul au monde avec celui de la Corée du Nord à avoir pour habitude de faire assassiner ses opposants même en pays étranger ;
– le dictateur rwandais est de facto au pouvoir depuis 1994 (officiellement depuis 2000) et a modifié la constitution du pays en 2015 afin d’être en mesure de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034, soit 40 années de règne. Le totalitarisme du régime rwandais a d’ailleurs une influence directe sur nombre de pays africains de la région qui sont en train de revenir sur le processus de démocratisation qu’ils avaient amorcé. Encouragés, inspirés et « rassurés » par l’« exemple » rwandais.
– enfin, rappelons que le président rwandais est responsable de la mort de plusieurs dizaines de milliers de civils dans l’est de la RDC voisine dans les années 1990 et 2000.

La diplomatie française discréditée

Une présidence rwandaise de l’OIF aurait donc pour conséquences :
– de disqualifier totalement l’OIF en matière de langue française et de francophonie ;
– de disqualifier totalement l’OIF en matière de démocratie et de droits de l’homme.
…et donc d’ôter à l’OIF le peu de crédibilité qui lui reste encore (elle qui, pour ce qui est du premier point et contrairement au Commonwealth, compte de nombreux pays ne partageant pas la langue officielle de l’organisation, et qui, de surcroît, ne respectent aucun de leurs engagements).
En outre, un soutien français à une probable candidature du régime rwandais à la présidence de l’OIF aurait également pour conséquences :
– de discréditer la diplomatie française en matière de langue française et de francophonie ;
– de discréditer la diplomatie française en matière de démocratie et de droits de l’homme.
Enfin, le CERMF condamne fermement la visite prochaine du dictateur rwandais à Paris et sa rencontre prévue avec le président français. Par ailleurs, et malgré une forte propagande officielle (digne d’une compagne permanente de marketing), il convient de rappeler que le Rwanda demeure l’un des pays les plus pauvres du continent (environ 720 dollars par habitant, soit moitié moins que la moyenne subsaharienne). Et ce, alors même que c’est un des pays en développement les plus massivement aidés au monde depuis une vingtaine d’années, proportionnellement à sa population et grâce à ses relations particulièrement étroites avec certaines grandes puissances étrangères qui avaient aidé les dirigeants actuels du pays à multiplier, à partir de l’Ouganda, les attaques meurtrières au Rwanda dans les années qui précédèrent le génocide, avant de prendre le pouvoir (1,090 milliard de dollars par an en moyenne sur la période triennale 2014-2016 selon l’OCDE).

Ilyes Zouari
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