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Tout sur la « Place Publique »

Avec une observation drôle et tendre du monde d’aujourd’hui, le nouveau film de Jaoui et Bacri a un indéniable air de famille avec leurs précédents.

Jean-Pierre Bacri incarne un animateur télé égocentrique et Agnès Jaoui son ex-épouse, éternelle militante
Jean-Pierre Bacri incarne un animateur télé égocentrique et Agnès Jaoui son ex-épouse, éternelle militante

On avait laissé Jean-Pierre Bacri en grand organisateur de noces et banquets dans « Le sens de la fête » (rôle qui lui a valu une nomination au César) ; on le retrouve à nouveau dans une journée de festivités à la campagne, dans « Place Publique », un film réalisé par sa complice Agnès Jaoui (sortie le 18 avril) avec qui il a coécrit le scénario.

Ce récit a en commun avec le film de Nakache-Toledano une unité de lieu, une grande maison à la campagne, et une unité de temps, un soir de fête. Cette fois, c’est la pendaison de crémaillère d’une productrice télé parisienne (Léa Drucker), qui accueille notamment l’animateur télé dont elle produit l’émission, Castro, une sorte de Thierry Ardisson, costume noir et lunettes noires, incarné par Jean-Pierre Bacri lui-même, qui nous régale dans ce type de personnages, râleur, aigri, un égocentrique qui n’a que mépris pour les autres, et qui ignore encore qu’il pourrait être jeté de son émission déclinante.

Si Castro sait bien mentir dans une interview radio où il affirme avoir trouvé désormais la « sérénité », en fait ça l’emmerde d’être en âge (65 ans) d’avoir une carte vermeil, et il est particulièrement agacé par le nouveau livre de sa fille (Nina Meurisse), où elle révèle qu’il porte un postiche et se moque de sa mère et ex-épouse de Castro (Agnès Jaoui), éternelle militante tiers-mondiste qui a toujours une pétition à faire signer.

Petites bassesses et grandes mesquineries

Il y a du beau monde à cette fête, et autant de formidables seconds rôles, une ex-miss météo qui se rêve actrice (Helena Noguerra), un jeune youtubeur aux millions de vues (Mister V) entouré de sa bande, le vieil ami baroudeur (Frédéric Pierrot), un acteur connu, le jeune chauffeur de la star de la télé (Kevin Azaïs), l’amant immigré de la productrice, quelques habitants du village, le paysan voisin irascible qui s’invite… et une jeune serveuse, jouée par la formidable Sarah Suco, qu’on reverra prochainement en footballeuse dans « Comme des garçons » de Julien Hallard.

Comme si le spectateur était invité lui-même, le film navigue entre les convives et les personnages, passant de l’un à l’autre ; « Place Publique » c’est bien du Jaoui-Bacri, un cinéma fait d’observation de notre société et du comportement des humains, avec petites bassesses et grandes mesquineries. Et y’en a pour tout l’monde : le politiquement correct, le vieillissement, la célébrité, le cynisme, les selfies, les réseaux sociaux, le buzz et l’audience, ce modernisme obligatoire qui fait que tout, et surtout n’importe quoi, se retrouve désormais mis sur la « Place Publique ».

S’ils évoquent aussi les différences de classes et de castes, « le droit du plus fort », et cette impression de « danser sur un volcan », Jaoui et Bacri prouvent une nouvelle fois qu’ils ont depuis le début « le goût des autres », leurs films ayant un air de famille, de la tendresse pour leurs personnages.

Et puis, en bonus, Jean-Pierre Bacri pousse ici la chansonnette ; volontairement ridicule en imitant Montand avec « Les feuilles mortes », le comédien est émouvant en générique de fin avec « Osez Joséphine » de Bashung. Fallait oser.

Patrick TARDIT

« Place Publique », un film réalisé par Agnès Jaoui (sortie le 18 avril).

Le duo Jaoui-Bacri sur le tournage de "Place Publique", qui se déroule lors d'une fête dans une maison de campagne
Le duo Jaoui-Bacri sur le tournage de « Place Publique », qui se déroule lors d’une fête dans une maison de campagne
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